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Galerie L'oeil en relief
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24 janvier 2011

La route

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La route

Nous ralions Bundi à Udaïpur. Un long trajet sur la distance, près de trois cent kilomètres, que nous partageons avec joie et plaisir en trio. Le silence est vite rompu par notre ami chauffeur, qui fredonne des chants du beau pays, celui du Rajasthan. Il fredonne puis se laisse aller, il chante. Les syllabes se détachent une à une et virevoltent dans mes oreilles attentives. J'aime cet emportement qui agite son visage, pleinement impliqué par les histoires que ces chants racontent. Il me demande à mon tour de m'essayer. Un chant amérindien est le premier à faire écho. Il m'affirme que j'ai une très belle voix et que je chante bien. Nous alternons alors dans la découverte en nous prenant au jeu. Des chants tibétains me reviennent, d'autres appels amérindiens me valent toutes les gratitudes de ma compagne; qui me supplient de reprendre avec coeur, "Ain't no sunshine when she's gone". Un hymne universel bien entendu ! Noor est à l'écoute et dès qu'il le peut, il s'infiltre en réponse par une prière louée à Allah. Un chien traverse, le coeur de ma compagne se soulève. La prière est une guidance aussi chez les musulmans.

Nous nous arrêtons pour goûter les pakoras d'un Tchaïa du coin. Le village respire la tranquillité et notre chauffeur nous suggère d'y poursuivre notre vie ici, paisiblement. Nous reprenons la route et la joie nous tient. Quelques mots en hindi roulent dans ma mémoire, et son accent français promettant le meilleur me fait concurrence. L'échange des rires n'empêche pas les dures réalités qui passent de la vie à la mort. Une vache a été dépecée l'autre jour sur le bord de la route, et cela me revient en voyant le corps d'un chien étalé au milieu. Aux abords de la motorway, Noor cherche la direction de la grande ville d'Udaïpur. Il la prendra finalement en sens inverse pour rejoindre l'autre côté pendant au moins cinq bons kilomètres. No problem, c'est un as du volant, et ceux qui arrivent en face aussi.

Sur l'autoroute, c'est comme partout ailleurs. Les vaches ont également la priorité. Certaines personnes se prélassent même à discuter en débordant du terre-plein central, à l'ombre. Sur celui-ci, j'y ai même surpris une famille avoir dressée son campement ou sa maison de fortune. La vitesse est limitée à quatre-vingt-dix kms/h; heureusement ! Ou bien est-ce encore trop ? Car les femmes portant du bois sur la tête, ou des carrioles chargées, d'autres vaches aussi, toujours autant prioritaires, et puis des trucs mêmes invisibles qui font ralentir notre chauffeur, tous prêts à traverser en attendant ou pas leur tour.

Nous nous arrêterons deux fois, pour le tchaï et les chapattis, dal, gobi et rice pudding inclus. La mère des lieux est malade par le froid de la nuit, elle nous force à manger et à en reprendre. Nous faisons connaissance sur les lits en bois et encordés. Cet instant délicieux nous renvoie sur la route, étant rassasiés. 

Le covoiturage est également une pratique quasiment obligatoire, autant pour les êtres humains que pour les chargements de marchandises qui n'en finissent pas de tester la puissance et l'endurance des camions Tata, tous décorés à outrance.

Nous arrivons à Udaïpur. Nous avons choisi une guest-house près du lac, dans le vieux bazaar. Noor demande sa direction vingt fois avant d'être arrêté par le lac lui-même. Finalement, c'est celle de Shiva qui retient toute notre attention, en nous offrant une vue inespérée sur les mille et une nuits.

Ma compagne a cette grande tristesse qui remonte. La vie et la mort mélangées tissent des lambeaux de fatigue et de lassitude dans son corps et son esprit. Nous sortons jusqu'au carrefour d'en bas, voir ce qui s'y passe. Le temple nous prend sur ses marches, et l'accueil nous permet un appui de haute confidence. Tout se mélange. L'harmonie est parfois un chaos insurmontable, et comme par magie, celui-ci n'est plus. Une vache et son veau, une vespa italienne, des touck-toucs à la pelle, des sifflets de monsieur l'agent qui transgressent l'éternité, cette dame qui traverse et le bus qui arrive en forçant tous les passages. Un monsieur très âgé, une longue veste à carreau lui recouvrant les genoux, flirte avec le chapeau russe qui abrite ses cheveux gris. Il nous salue les mains jointes, et même l’orbite de son oeil absent nous fixe. Deux femmes âgées se faufilent au coeur de la circulation et s'apprêtent à grimper la longue côte, en poussant leur étalage à légumes. Cette fois c'en est trop. Je reprends mes engagements de travailleur, et je les aide à monter la colline de la cité. Nous rions ensemble. Arrivé en haut, je lâche l'affaire en croisant un homme posé sur un éléphant. Il part en direction du carrefour et sa silhouette s'évanouit en descendant plus loin. Nous, nous rentrons à l'hôtel, apprécier un matelas haut de gamme et la prochaine arrivée du jour depuis le lac.

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