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1 février 2011

Les corbeaux du desert

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Les corbeaux du désert

Hier matin, en achevant d'écrire "Vision étrangère", une discussion en français léger s'est ouverte avec deux jeunes femmes venues d'Argentine. Elles me confiaient leurs difficultés de voyager en Inde, tandis que je leur disais en réponse le contenu de ce que j'écrivais. Cela faisait un bon écho à leur expérience et sans pour autant les apaiser, cette conversation et les photos de Pushkar leur ont certainement donné l'envie de poursuivre leur voyage, d'aller jusqu'à Darjeeling en passant par Varanasi. Mais je les sentais déjà épuisées. En une demie-heure, nous nous sommes croisés au moins deux fois à l'entrée, ou à la sortie de ce superbe Haveli guest-house, comme si elles n'arrivaient pas à aller plus loin dans les ruelles de Jodhpur. 

Nous avons donc filé en direction de Jaisalmer. Noor, notre chauffeur s'était avancé à mon attention, et ce dans son meilleur anglais, pour me dire qu'il pouvait nous amener chez son ami dans un village situé à quarante kilomètres de la forteresse du désert. La route est longue et nous ne traînons pas, malgré quelques petites haltes photos, tchaï et indian fast-food, comme il dit. Face à un troupeau de chameaux, le baba du coin nous montre sa main: si tu prends des photos tu me donnes des roupies. Ces quarante têtes sont à moi. Money money ! Je lui montre l'écran et lui dit, pas de roupies, pas de photos. Les camels disparaissent dans la corbeille du fond de l'appareil.

Noor nous promet donc l'excellence et le pas cher, aussi pas cher que le fast-food indien. Il me dit être logé chez son ami mais sans toutes les commodités habituelles. Enfin, nous allons respirer un peu d'authenticité. Notre chauffeur a vécu suffisamment de choses en notre compagnie, Kukki, les bishnoïs et j'en passe, pour se rendre compte que nous ne sommes pas très riches et qu'il ne s'agit pas de suivre des guides touristiques. C'est ce que nous présumons avec confiance, et qu'il s'agit là de ses frères de coeur.

Passé Jaisalmer, Kuri est annoncé sur le livre, comme étant un village florissant de safaris et de touristes des couchers et levers du soleil, depuis les dunes du prestigieux désert. Noor est en train. Il nous imite l'accent de son frère-ami qui vient de Chennai. Nous rions ensemble car nous la connaissons aussi très bien, cette façon de parler du sud, très chantante en trainant ces atonations jusqu'au bout. Puis nous arrivons.

Un corridor, des huttes, des chameaux, un packaging bien ficelé entre promenade dans le désert, trois kilomètres aller et trois retour, plus soirée dansante traditionnelle, plus repas du soir, plus dormir dans une superbe hutte, plus eau chaude seulement le matin, plus petit déjeuner, plus une autre promenade en chameau le lendemain matin. Le prix est bien entendu discount. Nous avions connu cela l'année dernière à Pondicherry lors de la veillée de Noël. Tout est en toc. On ne vend que du faux, et seul le papier d'emballage donnerait envie de découvrir ce qui à l'intérieur est de toute façon, une vraie surprise.

Il est trop tard pour tout ! Nous nous sommes pris les pieds dans le tapis ensemble, parce que nous sommes deux et que l'alternance des avis existe aussi au sein d'un couple. Deux chiliennes arrivent à la fin des festivités, au moment où je ravitaillais le feu. Les familles indiennes également invitées à la supercherie sont déjà dans l'autre cours où le self est dressé. Les jeunes filles ont un guide qui répond pour elles. Il finit par se taire un peu et l'une d'entre elles est à l'échange. L'autre ne dit rien. Elle regarde le feu que le staff ne tarde pas à éteindre. Les musiciens, pauvres dans la voix et dans les changements de rythmes me font signe de donner...

Demandez à vos frères et soeurs ! Ma compagne n'en peut plus. Tout est froid, le repas, l'air, la communication que le frère-ami de Noor nous refuse. Il faut payer maintenant. Demain, nous partons.

J'aurais préféré écrire de belles choses et m'envoler sur les ailes de la poésie. Mais puisque nous le vivons et que quelque chose en moi me pousse m'exprimer ainsi, il est possible que cette expérience intéresse d'autres personnes, abonnées ou pas à la lecture de ce journal.

Encore une fois, nous avons discuté dans la nuit en essayant de faire circuler ce qui parfois bloque l'esprit, le manipule et l'obsède. Ce que nous vivons là, sont autant de processus que nous manifestons avec cette tendance de les rendre subtils. Si ce n'est pas le cas, alors nous avons le choix de mettre en pratique ce que la veillée de ce nouvel an nous a apportée, chez le vieux moine Tich Nat Han: "le toucher de la terre", qui consiste à déposer au sol, ce que l'on voit en l'autre et qui ne nous appartient pas. Ainsi, la terre absorbe et la conscience véhicule.

Je me suis réveillé avec l'envol des corbeaux tournoyant au dessus de notre hutte guerrière. Ils croassaient le soleil levant face à un désert beaucoup plus mythique que vécu. Notre coeur est à nos ânes et au foyer que l'on connaît si bien.

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